In Memoriam: Martin R. Schärer

L’excellence du professionnel et la finesse du muséologue
Martin R. Schärer (1945-2023)

Martin R. Schärer nous a quitté brusquement, à la fin de l’année dernière ; nous ne pouvons que regretter la perte d’un ancien président de l’ICOFOM et surtout d’un homme remarquable. Martin a joué un rôle considérable au sein de l’ICOM et, de manière plus générale, dans le monde des musées. Créateur et premier directeur de l’Alimentarium de Vevey, en Suisse, il n’a cessé, tout au long de sa vie, de conjuguer la théorie et la pratique, illustrant par l’exemple l’importance de la réflexion théorique pour le développement des professions liées aux musées.

Organisateur né, il a conçu et mis en place un musée interdisciplinaire novateur, consacré à l’alimentation. C’est dans ce contexte qu’il a fait son entrée au sein de la « famille ICOFOM », en accueillant à Vevey le symposium annuel de notre comité en 1991, consacré à une thématique étroitement liée à ses centres d’intérêt : le langage de l’exposition (Icofom Study Series 19-20). Devenu Président du comité en 1993 – tout en assumant, durant la même période, la présidence du comité national suisse – il lança de nombreux projets au sein de l’ICOFOM, dont le plus célèbre est sans doute celui de publication d’un thesaurus de muséologie qui deviendra les Concepts clés de la muséologie (2010), puis le Dictionnaire encyclopédique de muséologie (2011) auquel il collabora activement. Le travail de Martin, au sein de l’ICOM, n’a cessé de s’intensifier tout au long de son parcours professionnel : membre du Comité exécutif, il occupa la Vice-présidence de l’organisation de 2004 à 2010, puis présida son Comité d’éthique pendant de nombreuses années. Cela ne l’empêcha jamais de suivre très régulièrement les activités du comité lié à ses « premières amours », la muséologie. Au sein de l’ICOM, Martin fut un avocat infatigable de l’importance du débat scientifique, de la réflexion et de la transmission au sein du monde des musées. C’est en ce sens qu’il organisa à l’Alimentarium plusieurs expositions « muséologiques » particulièrement éclairantes, offrant aux visiteurs des clés de compréhension de la logique et du langage de l’exposition. Cette thématique, à laquelle il consacra plusieurs ouvrages, constitue assurément l’un des héritages qu’il laisse aux générations de muséologues qui lui succéderont.

Mais ce que retiendront tous ceux qui ont eu la chance de croiser sa route sera d’abord l’ensemble de ses qualités humaines et son ouverture aux autres. Plurilingue – germanophone, il s’exprimait dans un français parfait et pratiquait avec autant d’aisance les autres langues de l’ICOM – il avait hérité des talents diplomatiques de son Helvétie natale. Accueillant, ne refusant jamais de s’investir sur le plan de la muséologie, son expertise, sa réflexion, mais aussi son sourire et sa bienveillance nous manqueront.
François Mairesse